PRESENTATION DES ENJEUX AUTOUR DU TRAITE CONSTITUTIONNEL
CEN DE LA FILPAC-CGT DES 25 ET 26 NOVEMBRE 2004

INTRODUCTION

La décision de doter l'Europe d'une Constitution est un enjeu considérable car cela peut marquer la quotidienneté des citoyens européens pour des générations.

Si l'intitulé exact est " Traité instituant une Constitution pour l'Europe ", nous avons affaire à un texte qui est plus qu'un simple " traité " tout en n'étant pas tout à fait une Constitution car l'Europe n'est pas un Etat fédéral.

Mais il ne faut pas jouer sur les mots : ce texte jette bien les bases pour établir dans l'avenir une vraie Constitution et il regroupe dès à présent l'ensemble des autres traités " fondateurs " : celui de Rome (1957), l'Acte Unique de 1986, Maastricht (1992), Amsterdam (1997) et Nice (2001).

Il est vrai que la densité et la forme rédactionnelle de ce Traité rend une lecture exhaustive difficile alors qu'il est impératif que chaque citoyen devrait pouvoir s'exprimer en toute connaissance de cause.

La perspective d'un référendum est une première étape pour arriver à une expression populaire et non seulement une approbation par le Parlement. En ce sens, c'est une occasion qui nous est donnée de lancer un débat à grande échelle. D'où l'importance de s'impliquer dans les débats.

L'Europe aujourd'hui, c'est 450 millions d'habitants dans 25 pays. C'est ¼ des richesses de la planète et le 1er marché mondial.

I) ENJEUX EUROPEENS ET DIMENSION SOCIALE

Il faut rappeler que l'Europe a pris déjà depuis de nombreuses années, une place primordiale dans notre quotidienneté. Sait-on par exemple que la quasi-totalité des textes votés par l'Assemblée nationale en France relève de transpositions de textes européens. Avec des effets négatifs parfois quand il s'agit de la libéralisation des services, de la libre concurrence… et parfois avec des effets positifs comme les directives sur l'égalité professionnelle femmes-hommes, la réglementation du travail intérimaire, la formation professionnelle,…

La construction actuelle conduit à une Europe beaucoup trop soumise aux seules règles du libéralisme et c'est cette construction qui recueille aujourd'hui le maximum de critiques.

Car il est évident que les citoyens européens, dont les Français, ont conscience que la coexistence pacifique des peuples, l'harmonisation positive de certains acquis sont des éléments positifs. Comme ils mesurent bien que, dans le cadre de la mondialisation, les pays européens, aussi glorieux fut leur passé et leur histoire, ne pourront peser seuls devant les grandes puissances qui imposent leur domination ou qui commencent à émerger.

Là où les citoyens européens ressentent l'Europe comme négative, c'est dans sa dimension démocratique et sociale.

Si l'Europe se construit par la monnaie, il est clair que les choix politiques seront avant tout dominés par ce choix. Dès lors, le social doit s'adapter à ce dogme financier.

Ce débat n'est que rarement mené : il est même faussé par les discours des gouvernements nationaux qui ont tendance à rejeter sur " l'Europe " la cause de décision impopulaire ; celles qui pourraient être populaires sont évidemment de leur fait !

Il faut donc bien rappeler qu'aucune décision européenne n'est prise contre l'avis des gouvernements nationaux selon le schéma suivant :
- La Commission prépare des actes et décisions en fonction des choix des Sommets des chefs de gouvernements (Conseil européen se réunissant 2 fois par an)
- Le Conseil des Ministres concerné par la nature des textes approuve
- Ils passent pour avis au Parlement européen

Par contre, les institutions comme la Banque centrale ne sont soumis à aucun contrôle politique.

Cette forme de gestion de l'Europe est insatisfaisante et elle éloigne les instances de décision des citoyens. En plus, comme la plupart des pays européens ont des gouvernements de droits ou d'essence libérale (même ceux se réclamant de gauche), les textes actuels sont évidemment fortement libéraux.

Une constitution peut-elle dès lors changer les choses ?

II) UNE AVANCEE ? POUR QUI ET POUR QUOI …

Il faut donc analyser le texte du Traité constitutionnel en fonction des avancées qu'il peut comporter par rapport au passé et également par rapport à nos attentes.

D'abord, faut-il un nouveau texte ? La réponse est affirmative, car l'élargissement de 15 pays à 25, adopté à Nice, modifie profondément la donne.

L'élargissement conduit à intégrer des espaces accentuant les différences économiques et sociales entre les pays. Mais elle est également saluée par nos camarades des pays de l'Europe Centrale et Orientale (PECO) car ils fondent des espoirs pour sortir d'un marasme considérable après l'effondrement du mur : ils pensent à la création d'emplois, à des équipements et des investissements nouveaux, à un mieux vivre, en prenant appui sur les précédents tels que l'Espagne ou le Portugal.

Cette arrivée de 10 nouveaux membres et ceux qui sont attendus dans les années prochaines, conduisent également à poser différemment certaines questions comme celle des prises de décision à la majorité, celle de la présidence tournante actuellement en vigueur... Bref, il est nécessaire de revoir des principes de fonctionnement de l'Europe.

Le Traité de Nice avait apporté des réponses qui aujourd'hui apparaissent comme insuffisantes. La CGT avait vertement critiqué ce traité, tout comme la CES, entre autres par son refus de donner à la Charte des droits fondamentaux valeur de traité. Mais les partis les plus libéraux considèrent également qu'il faudrait aller plus loin et plus vite dans les possibilités de déréguler : on le voit bien avec la direction sur les services du commissaire ultra-libéral Bolkenstein.

En quoi le texte actuel du Traité constitutionnel est-il innovant ?

Il s'agit d'un texte en 4 parties (" Titres ") précédées d'un préambule.

L'avancée la plus remarquable est l'intégration de la Charte des Droits Fondamentaux de Nice lui donnant une valeur juridique contraignante pour l'Union et les Etats. Ainsi les questions de liberté de s'organiser, de l'égalité entre les genres, de solidarité, le droit syndical prennent une dimension constitutionnelle.

Par contre, l'aspect le plus négatif réside dans le fait que cette constitution définit un système économique, celui du libre échange et de la concurrence, comme le seul à exclusion de tout autre. Ainsi, dans le titre 1, la compétence exclusive de l'Europe s'accroit réduisant ainsi les latitudes laissées aux Etats de faire des choix différents. Certes, les questions touchant au marché intérieur ou aux transports dans chaque pays peuvent relever des Etats mais à condition que l'Europe l'admette.

Les pouvoirs du Parlement européen sont renforcés avec la " co-décision " qui oblige le Conseil des Ministres à avoir l'accord du Parlement pour décider. Ce dernier gagne également la possibilité de censurer la Commission.

Par ailleurs, c'est la fin des présidences tournantes, avec la création d'une fonction permanente d'un Président élu pour 2 ans et demi, renouvelable une seule fois. Un Ministre des Affaires étrangères est créé : là également, la position des pays européens sur la guerre en Irak a montré la difficulté à prendre une décision commune. Quelle aurait été la position de la France dans cette situation ?

Le renforcement de la Banque Centrale est une des orientations les plus mauvaises de ce texte : cela donne à cette instance, soumise à aucun contrôle politique, un pouvoir de contrôler toute la politique monétaire de l'Europe.

III) UNE APPROCHE SYNDICALE

Ce résumé trop rapide d'un texte tellement dense nécessite que la CGT donne le moyen à ses organisations d'aller au débat dans les entreprises pour donner son éclairage sur les enjeux européens et non seulement sur le texte en lui-même.

Nous ne pouvons ramener l'expression de la CGT à la seule perspective du référendum et de savoir s'il faut répondre Oui ou Non. Je rappelle ici que la CES n'a pas appelé à voter pour la simple raison qu'elle n'est pas confrontée à un scrutin : la CES a considéré que le Traité constitutionnel est une avancée par rapport aux autres Traités. Elle est le reflet de toutes les organisations qui la composent et n'interdit pas à chacune d'entre elles d'avoir une lecture différente en fonction de ses propres analyses.

Nous pensons qu'à l'heure actuelle, le Traité constitutionnel n'est pas le souci premier des Français : nôtre rôle n'est pas de leur donner une consigne de vote mais bien de les informer des enjeux, de donner un avis sur le contenu afin que chacune et chacun puisse se déterminer.

Notre rôle est également de préserver les forces de la CGT, sa capacité d'action qui ne saurait se limiter à une expression à travers un référendum.

Si le Oui l'emporte, la CGT devra mobiliser, avec les autres organisations françaises et européennes, pour combattre les effets les plus négatifs, entre autres ceux qui découleront du Titre 3 qui n'a pas sa place dans une Constitution et qui devrait en être éliminé.

Si le Non l'emporte, la CGT devra là aussi avoir les moyens de participer, avec d'autres, à l'élaboration d'une Europe sociale qui aura besoin d'instances politiques renforcées ce qui pose évidemment de graves questions sur l'articulation entre le niveau européen et le niveau national.

Le CCN du mois de février décidera de l'expression de la CGT. D'ici là, nous considérons qu'il faut que la confédération sorte rapidement les fiches explicatives pour donner au débat avec tous les travailleurs le contenu à la hauteur des enjeux en cours.

FILPAC-CGT