Saint-Etienne sera-t-il privé de son imprimerie de presse ?
BREF HISTORIQUE DE LA PRESSE STÉPHANOISE - Par René DANTI

"La Tribune Républicaine" a été fondée le 31 octobre 1899 par le Pasteur Louis Comte. Quelques années plus tard c'est la famille Soulié qui en deviendra propriétaire jusqu'en 1963.

Le titre rayonnera sur plusieurs départements: Loire ; HauteLoire ; Allier; Saône-et-Loire; Nièvre

"La Tribune", ayant paru sous l'occupation, fut interdite de parution du 20 août 1944 au 31 août 1950, le titre et les biens rendus à leurs propriétaires Pierre et Michel Soulié qui, pendant la guerre, se trouvaient prisonniers de guerre en Allemagne.

Une société fut créée en 1951, la "SOGEP", qui assurera la confection, avec des pages communes, des titres "La Tribune" "La Dépêche" - "L'Espoir" et par la suite le journal du 7e jour "Centre Dimanche".

Le joumal "Le Patriote" se voit attribuer les ateliers du journal "Le Mémorial de la Loire" qui a été mis sous séquestre pour collaboration et les biens confiés à la Société Nationale des Entreprises de Presse (SNEP).

En 1963, la SOGEP dépose le bilan. "La Tribune" puis, un peu plus tard, "L'Espoir" sont rachetés par "Le Progrès de Lyon" propriété de la famille Brémond - Lignel. "La Dépêche" reprise par la suite par "Le Dauphiné Libéré".

Déjà, à cette époque, "Le Progrès de Lyon" envisageait de fermer les ateliers stéphanois et d'imprimer le titre à Lyon. Le Svndicat.du Livre C.G.T. de Saint-Étienne, après de longues négociations, réussit à maintenir l'établissement stéphanois de la place Jean-Jaurès jusqu'en 1981.

En 1966, "Le Progrès" et "Le Dauphine Libéré" signent des accords de coopération. Ils mettront en commun leurs moyens de production ( rédactionnels - publicitaires - techniques, composition, impression, expédition, routage) sur les sites de Chassieu, Saint-Étienne, Grenoble. Des projets de modernisation sont envisagés à Saint-Étienne.

Et voilà que M. Jean-Charles Lignel, mécontent du sort qui lui est réservé au sein de ces diverses sociétés, décide, en 1979, de racheter les parts de la famille Brémond afin de rester le seul propriétaire du journal et de le gérer "à la lyonnaise".

Les enchères se monteront à près de 11 milliards de centimes, les accords passés avec "Le Dauphiné Libéré" sont dénoncés le 1° janvier 1980 ainsi que, quelques mois plus tard, les accords d'entreprise.

Le Syndicat du Livre de Saint-Étienne engagera une longue période de renégociation, au travers de plusieurs procès engagés par les deux titres, et qui rétablira la situation antérieure.

En 1981, M. Lignel achète le journal gratuit stéphanois de petites annonces, HEBDO, créé par M. Maurice André, ce journal fut le premier du genre en France. Les ateliers, la rédaction quittent la place Jean-Jaurès pour s'installer dans les locaux d'HEBDO. Le journal "La Tribune-Le Progrès" est imprimé en offset et M. Lignel s'acharnera à détruire le journal HEBDO et privera d'emploi le personnel lié à sa fabrication malgré que plusieurs formules aient été tentées pour sauver le titre et les emplois.

Puis la gestion "à la lyonnaise", expression utilisée par M. Lignel, fera que ne pouvant plus faire face aux échéances exorbitantes de ses emprunts (il faut ajouter qu'il avait acheté d'autres titres en Saône-et Loire, Côte-d'Or, et Jura dont "Les Dépêches de Dijon" qu'il s'est empressé de faire disparaître), il cédera, tous les titres pour le Franc symbolique à M. Hersan patron de la SOCPRESSE.

M. Lignel a cédé les titres de ses journaux, le 3 janvier 1986, mais pas ses biens immobiliers, peut être qu'il conserve encore quelques intérêts dans la Société Delaroche qui était propriétaire du journal et qui existe encore ? N'est-ce pas scandaleux de voir, que plus de vingt ans ont passé, et que les immeubles de la place Jean Jaurès et de la rue Bergson sont toujours à l'abandon. Dans la vie stéphanoise, on parle des "friches Lignel". L'immeuble de la rue Bergson, un immeuble moderne a été squaté, incendié, ce Monsieur n'avait vraiment pas besoin d'argent, son seul besoin n'était-il pas de régner sur sa fortune avec un mépris affiché des salariés, de détruire les emplois et les entreprises qu'il achetait, c'est à se demander s'il en éprouvait pas un certain plaisir ? Un véritable gâchis, financier et humain, pour les travailleurs du Livre et de la Presse.

En 1987 M. Hersan envisage, lui aussi de fermer Saint-Etienne et de ramener le centre d'impression sur Lyon. Le Syndicat du Livre de Saint-Étienne intervient, les négociations débouchent sur la construction d'une usine sur la zone de la Robotique avec l'implantation d'une rotative offset GOSS reconstruite. L'inauguration des locaux a lieu en Mai 1989.

En 1998, une deuxième tentative de la SOCPRESSE pour faire imprimer "La Tribune-Le Progrès" à Chassieu. Le Syndicat du Livre mobilise le personnel technique, une manifestation spectaculaire se déroule dans la Grande-Rue, une bobine de papier poussée par les rotativistes est déroulée sur la voie publique, la direction annule sa décision.

En 2002, la SOCPRESSE promet d'installer une rotative neuve à Saint-Étienne et deux à Chassieu, celle de Saint-Étienne devant être opérationnelle en juin 2004. L'enveloppe globale pour le centre de Saint-Étienne se situait à environ 15 M d'euros. Le bâtiment devant recevoir la machine a été construit pour environ 2 M d'euros mais entre temps la SOCPRESSE est passée sous le contrôle de l'avionneur Marcel Dassault.

Début avril, M. Yves de Chaisemartin, président de la SOCPRESSE est venu annoncer, en personne, qu'il n'y aurait pas de rotative pour Saint-Étienne en raison d'une conjoncture économique morose et que "La Tribune-Le Progrès" serait imprimée à Chassieu, la rotative actuelle servirait à assurer l'impression de divers titres du groupe de presse.

Parallèlement les investissements prévus pour le centre d'impression du "Dauphiné Libéré" à Grenoble-Veurey sont gelés.

A noter que depuis 1974, les passages :
- de la composition plomb à la photocomposition, puis à l'informatisation du traitement des textes, des photos, et de la mise en pages ;
- de l'impression typographique à l'impression offset ;
- de l'expédition manuelle à l'expédition informatisée ;
ont réduit les effectifs du personnel technique, ils sont passés de 300 à 100 personnes environ pour fabriquer le même produit.
Que de bénéfices réalisés sur la main-d'oeuvre ?

Il faut souligner que les éditions des départements de la Loire et de la Haute-Loire sont celles qui résistent le mieux aux pertes de lecteurs alors que celles enregistrées pour les éditions Lyonnaises sont très importantes. Cela prouve que les ligériens éprouvent le besoin d'informations locales et régionales.

Pourquoi s'acharner à vouloir imprimer ces édifions à Lyon ? Les horaires d'impression permettront-ils aux lecteurs ligériens d'avoir les dernières informations de la nuit ?

L'ASSE joue en ligue 1cette année, comment réagiront les amateurs de foot s'ils ne trouvent pas des reportages complets sur les rencontres et les classements ? Il en sera de même pour la vie culturelle et économique de la cité. C'est encore un risque important de perte de lecteurs qui s'annonce. Tout celà au nom de quelle rentabilité, on peut se poser la question.

Lyon est la métropole de la Région Rhône-Alpes, certes, mais Saint-Étienne et Grenoble ne sont- elles pas les deux villes qui servent de métropoles d'équilibre à cette région ?

Les dinosaures de la Presse se comportent comme des marchands de papier, ils méprisent le droit des citoyens d'avoir une information locale et régionale dignes de ce nom.

Saint-Étienne, sans son centre d'impression de presse quotidienne, se trouvera privé d'un moyen de communication efficace, indispensable pour son développement économique, culturel et sportif. Les élus de ce département et de cette cité devraient réfléchir à ces conséquences et intervenir pour que cesse le gâchis dans ce domaine.

Le Syndicat du Livre de Saint-Étienne continuera d'agir pour le maintien de l'impression du quotidien stéphanois à Saint-Étienne.


René DANTI
Responsable de la publication du bulletin syndical
du syndicat du Livre de Saint-Etienne